Clavecin français à deux claviers, daté 1765-1766.
Clavecin français à deux claviers, daté 1765-1766.
Le meuble est laqué noir et présente sur chacune de ses faces de larges filets dorés, selon la mode de l’époque. Il repose sur un piétement Louis XV à jupe festonné, muni de son tiroir à partitions.
La table d’harmonie est peinte de fruits et de motifs floraux, sujets habituellement représentés dans les clavecins de facture parisienne.
Le petit et le grand clavier ont une étendue de cinq octaves; soixante et une note. Fa 0 – Fa 5.
Deux jeux de huit pieds. Un jeu de quatre pieds.
La signature de Guillaume Hemsch est apposée sur le boudin, avec la date de 1765 et sur le fond du clavecin, ainsi libellée : « Cette clavecin a été refait par G. Hemsch à paris. 1766 ». Le clavier est également daté 1766. Il n’est pas rare de trouver deux dates espacées d’un an sur les différentes parties d’un clavecin ancien, compte tenu des délais de fabrication…
La rosace de la table montre les initiales « IR » de Ioannes Ruckers, et la date de 1636.
Grant O’Brien, dans son ouvrage sur Ruckers, considère qu’il s’agit là d’une signature apocryphe.
Les instruments flamands fabriqués un siècle auparavant par les membres de la famille Ruckers jouissaient d’une grande renommée et il était du meilleur goût de pouvoir réaliser des clavecins modernes à partir d’éléments sonores provenant de modèles anciens construits par l’un de ces facteurs. Certains spécialistes parisiens semblent même s’en être fait une vocation. (cf. Boalch, p.88.)
Or dans le dossier de restauration concernant ce clavecin de Guillaume Hemsch, établi par André Extermann fin 1994, il apparaît que « la plus grande partie de la table de résonance provient d’un muselaar flamand (on voit distinctement l’emplacement des chevilles d’accord, du petit chevalet et des mortaises de sautereaux). Le fond du clavecin a été fait à partir du même virginal, le traçage visible sur la partie intérieure ainsi que le chevillage sont là pour l’attester. D’autres pièces encore, comme la contre-éclisse le long de l’échine proviennent du même virginal… »
Tout porte à croire qu’il s’agit là d’un clavecin français du XVIIIème siècle, fabriqué sur la base d’un instrument flamand du XVIIème, selon la mode la plus sophistiquée des salons parisiens à l’époque de Louis XV.
Guillaume Hemsch, frère cadet de Henri travaille dans le même atelier que ce dernier rue Quincampoix. Baptisé le 5 décembre 1709 à Castenholz près de Cologne, il vient à Paris avec sa famille vers 1720. Il est reçu maître faiseur d’instruments de musique, sur présentation d’un chef-d’œuvre, le 23 novembre 1748, et élu juré comptable des luthiers de Paris le 24 novembre 1760.
Il meurt vers 1776. Seulement trois clavecins de ce facteur sont répertoriés à ce jour. Bruni, dans son inventaire des instruments confisqués sous la Terreur cite plusieurs clavecins Hemsch, sans toujours préciser le prénom. Bon nombre d’entre eux seront brûlés pour chauffer le Conservatoire de Musique durant les terribles hivers qui frappent le pays au début du XIXème siècle.
Ce clavecin provient de la collection César Charles Snoeck (1832-1898) dispersée en 1894.
Le Keiser Guillaume II acquit 1145 pièces pour le musée de Berlin, dont la plupart ont disparu pendant la seconde guerre mondiale.
Le Tsar Nicolas II fit acheter par le baron von Stackelberg un lot de 363 instruments pour la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, probablement détruits lors du siège de la ville.
Le mécène Louis Cavens offrit 437 pièces originaires des anciens Pays-Bas au musée instrumental de Bruxelles. (*)
L’instrument a été acquis par Mme. Planchard à Paris qui le revendit vers 1925 à Mlle. Berthe Vaucher, musicienne à Genève. Il fut cédé en 1970 à la claveciniste Isabella Nef (1898-1976),élève de Wanda Landowska puis à son propre élève Raymond Touyère (1941-1993). Un enregistrement de ce dernier est joint à l’instrument.
Bibliographie :
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Donald H. Boalch : « Makers of the harpsichord and clavichord, 1440-1840 » 3° ed. Oford 1995. (pp. 88 & 383)
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Jean Jeltsch, Denis Watel : « Maîtrise et jurandes dans la communauté des maîtres faiseurs d’instruments de musique à Paris » in Revue d’organologie « Musique – Images – Instruments », n°4 ; Ed. Klincksieck, Paris 1999.
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Grant O’Brien : « Ruckers. A harpsichord and virginal building tradition » Cambridge University 1994, p. 281.
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C.C. Snoeck : « Catalogue de la collection d’instruments de musique anciens ou curieux formée par C.C. Snoeck » J. Vuylsteke ed. Gand 1894. (*) Avant propos de Guy Rooryck.
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Franck Hubbard : « Three centuries of Harpsichord making » Harvard 1965.
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Colombe Samoyault-Verlet : « Les facteurs de clavecins parisiens, notices biographiques et documents, 1550-1793 ». Heugel, Paris 1966.
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A. Bruni : « Etat des instruments de musique relevé chez les émigrés et condamnés », par Bruni, délégué de la Convention : Chamerot ed. Paris, 1890.
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